Le 14 janvier 1978, vers minuit
Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols pénétrait dans la chambre d’un motel,
quelque part dans la vallée de San Francisco. Il était las et fatigué. Quelques
heures plus tôt il était encore sur la scène du Wonderland devant plusieurs
milliers d’Américains. Les Sex Pistols venaient de jouer leur plus gros concert.
Il s’assit dans un fauteuil,
alluma une cigarette et pencha la tête en arrière. Il n’en pouvait plus !
Depuis un an il avait vécu plus de choses que 100 000 personnes en une
vie. A quoi pouvait-il penser ? A l’Angleterre, peut être, ce pays où
désormais il était devenu l’ennemi public numéro 1 ? Tous les commissariats
du pays avaient sa photo et la presse ne tarissait pas de haine contre lui.
Il faut dire qu’avec les Pistols ils avaient
mis le paquet. Depuis la médiatisation du groupe à la fin de l’été 1976 (soit
un an après sa formation) ils avaient un titre interdit par le grand conseil de
Londres et la BBC (''Anarchy In The Uk), prononcé en direct des obscénités à la
télévision, avaient été renvoyés de deux maisons de disques (EMI et A&M), eu
la plupart de leurs concerts interdits et surtout ils avaient insulté la reine
le jour de son jubilé avec le célébrissime ''God Save The Queen''. A ce rythme là
on peut être fatigué !
D’un geste il alluma la radio :
c’était un morceau de Willy Nelson, le vieux chanteur de country. Tout ça pour
en arriver là ! A écouter un vieux ringard dans un motel perdu à plus de
50 000 kilomètres de chez lui. Pourtant à la base tout avait bien
fonctionné : les Sex Pistols sous l’impulsion de leur manager, le terrible
Malcom Mac Laren, s’étaient donné comme mission de réveiller le rock et de
déranger la société Anglaise, conservatrice. Il fallait taper dedans : ils
y étaient allés !
Quatre types (lui, le guitariste
Steve Jones, le batteur Paul Cook et le bassiste Glen Matlock) qui s’étaient coupés les cheveux (un geste
hautement politique à l’époque, de toute façon le rock a toujours été une
histoire de coupe de cheveux) en jouant des chansons courtes, sur un tempo
rapide avec des paroles provocatrices ! Tout le contraire de l’époque !
Les Pistols détestaient à peu prés tout mais surtout ces abrutis de la pensée
unique comme les Genesis et autre Yes ! Résultat des courses il avait été agressé
plusieurs fois à coup de couteaux ou de barre de fer par des royalistes ou
autre rocky ringards ! Oui tout ça pour ça, pour se retrouver dans un pays
lointain (qu’il détestait) pour se retrouver à chanter dans un stade, oui ils
étaient devenus ce qu’il détestait.
Fleetwood Mac venait de remplacer Willy Nelson
à la radio, Johnny alluma une cigarette et soupira ! Il avait compris que
tout ça faisait partie du plan de Mac Laren pour vendre sa camelote ! Et
oui, c’est lui avait médiatisé tout ce merdier, qui l’avait organisé et financé !
Un journaliste Anglais avait trouvé un nom à tout cela : le Punk Rock !
Et désormais la moitié du rock Anglais sonnait punk ! Et lui, Johnny, était le dindon de la farce, parce
que lui, il y avait cru !
Il déboucha une bière et rumina
encore de se retrouver dans ce motel pourri ! Uniquement parce que à la
fin du concert (un vrai désastre !) il s’était jeté dans un taxi et lui
avait dit de l’emmener dans un endroit
tranquille et le type l’avait amené directement au motel de sa sœur !
Il sursauta. A la radio le présentateur venait
d’annoncer avec mépris :
« Voici le nouveau single
des célèbres punks Anglais les Sex Pistols : ''Pretty Vacant'' ! Le groupe a donné ce soir
un concert désastreux au Wonderland, le chanteur s’est même moqué ouvertement
du public. » Et là Johnny entend la magnifique intro de guitare de Steve
Jones, puis c’est la batterie qui rentre en action et c’est sa voix qui
apparait ! Il s’entend et il a honte !
Honte de ce qu’il est devenu,
honte de ce qu’est devenu son groupe ! « We Are So Pretty, So Pretty Vacant . » Oui ils sont devenus vides ! D’abord c’est le bassiste Glen Matlock qui s’est
tiré le premier au début de l’année 1977. Ce couillon voulait faire de la
musique, de la vraie, et il s’était bien gouré d’adresse. Il avait été remplacé
par un vieux copain d’enfance de Johnny : Sidney Beverley dit Sid Vicious ,en
raison de sa manière de se battre : il attaquait toujours dans le dos !
Il savait pas jouer de basse (de toute façon ce n’était pas le problème !),
et avait sombré à toute vitesse dans l’héroïne. Il n’était plus qu’un pantin
désarticulé qui accumulait les scandales sous le contrôle de Mac Laren. Johnny ne
le supportait plus !
« We Are So Pretty, So Pretty Vacant ! »
Oui, ils étaient vides de tout sens. Quand sous la pression du groupe,
Mac Laren avait du sortir l’album il n’y avait eu que ce pauvre baba de Richard
Branson avec sa boite Virgin pour sortir Never Mind The Bollocks (c’est le nom de l’album !).
Un album ou d’ailleurs Sid Vicious n’avait pas joué (il ne pouvait pas et il ne
savait pas !), c’est Steve Jones
(le guitariste) qui avait fait les basses. Un putain de grand disque qui avait
été numéro 1 dés sa sortie et pour promouvoir le disque les mecs de Virgin avaient
mis en avant ce ''Pretty Vacant'', principalement parce que il n’y avait pas de grossièretés
dans les textes. Une chanson qui critiquait ouvertement la société Anglaise,
trop puritaine, trop conservatrice….
Johnny reprit une bière, se ralluma
une cigarette et se tourna vers le téléphone. Il s’entendait encore hurler « We Are So Pretty, So Pretty Vacant …And We Don’t Care!” Il
pensa aux autres, que faisaient-ils ? Facile! Sid devait chercher de la poudre,
Steve devait être avec deux ou trois groupies et Paul devait le suivre avec sa
timidité naturelle. Quand à Mac Laren il devait parader devant quelques
journalistes et expliquer que demain les Sex Pistols allaient embarquer pour
le Brésil afin de tourner un film avec Ronnie Biggs (l’un des types qui avaient
attaqué le train de Glasgow- Londres), un nouveau scandale en perspective !
Mais non Johnny n’ira pas au Brésil, il veut rentrer chez lui, voir sa mère qui
est malade, boire des bières au pub et écouter du Reggae. De toute façon tout
cela ne rime à rien ! Il décroche
le téléphone et compose le numéro d’un quelconque Holiday In. Il demande la
chambre de Mac Laren et c’est John « Boogie » Tiberi qui décroche
(l’assistant de Malcom Mac Laren).
- - Salut c’est John
- - Hey mec t’es où ? Super le concert de ce
soir et puis dire à ces gros couillons d’Américains s'ils n’ont pas l’impression
que l’on se fout de leurs gueules ! Ah, ah super, bon tu arrives ?
Ici c’est la fête !
- - Justement je peux parler à Malcom ?
- - Non mec, il tape la discute avec des journalistes,
tu vois c’est pour le groupe, quoi c’est important !!!
- - Bon alors dis à ce connard un message de ma part !
- - Ouais c’est quoi ?
- - Dis lui que j’arrête, que j’en ai marre, que je ma casse
du groupe et je n’irai pas dans ce putain de Brésil.
- - Hein quoi, t’es maboule ou quoi ?
- - Non je me casse, j’arrête !
- - Hein !!!
- - Hey
mec, n’oublies pas : we are so pretty, so pretty vacant, allez adios amigo
- - Johnny,
déconne pas!
- Bye
Johnny raccrocha, il se sentait
mieux ! Il reprit une bière et téléphona la réception :
-
Si quelqu’un appelle Johnny Rotten dites qu’il n’est
pas là et que désormais il n’y a que Johnny Lydon (son vrai nom). Ok, merci !
Il se rassit et pour fêter ça il reprit
une bière !
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