Attention génie ! C’est
comme ça que l’on pourrait présenter la fantastique ''Friction'' des
géniaux Télévision, un des groupes les plus sous estimés de l’histoire et
pourtant aujourd’hui beaucoup des choses que l’on écoute ou que l’on a écouté
leur doit beaucoup.
Elle prend en main le jeune Tom,
lui fait découvrir Rimbaud et surtout Nerval. Elle lui démontre l’importance de
la musique. Tom et Richard décident de monter un groupe et de changer de
nom : Tom Miller sera Tom Verlaine, Richard Meyers sera Richard Hell, à
cause d’ « Une saison en enfer ». Avec un de leurs anciens
condisciples à la batterie, Billy Ficca, ils lancent un groupe : The Neon
Boys ! Verlaine au chant et à la guitare et Hell à la basse. Les premières
répétitions sont chaotiques, Hell ne sait pas jouer, pour Verlaine c’est l’exact
opposé : il joue de la guitare depuis ses sept ans, c’est un
virtuose ! Rapidement ils enregistrent quelques titres mais ils manquent
quelque chose à leur formation. Un deuxième guitariste de génie vient faire son
apparition : Richard Lloyd !
Tout commence au début des années
70 quand le jeune Tom Miller natif du New Jersey arrive à New York. Il précède
de quelques semaines son copain d’enfance un certain Richard Meyers. Ensemble
au lycée ils lisaient de la poésie « beat » et rêvaient de s’enfuir
de leur village natal pour vivre la grande vie ! Ils avaient même tenté
une fugue mais cela s’était terminé par un retour à la maison entre deux
policiers. Mais arrivés à New York ils peuvent enfin assouvir leur passion
littéraire. Comme il faut bien survivre, Tom Miller trouve un emploi dans une
librairie, l’autre vendeuse s’appelle Patti Smith et autour d’elle, New York va
vivre des mois électriques.
Ah Patti ! Tout le monde
l’adorait, elle croyait au rock and roll comme forme de communication des
masses et avait déjà formé un premier duo avec le guitariste Lenny Kay
avec lequel elle se produisait dans les clubs et bars de New York pour déclamer
sa poésie.
Ils décident de changer le nom de
leur groupe et de modifier leur musique : ce sera Télévision, un pied de nez à la
société de consommation américaine. Verlaine emmène son groupe sur des chemins
vertigineux, lui-même est un fan de jazz et son talent de guitariste est
exceptionnel, sa musique est tendue, pleine de subtilité et de
profondeur ! Mais le talent n’est pas partagé dans le groupe, et Richard
Hell cache son manque de technique par une vraie énergie. Mais les concerts
sont rares et ils doivent trouver un endroit bien à eux.
Leur recherche les amène à un bar
de Bikers à la limite du quartier Portoricain : le CGBG ! Tous les
vendredis soirs Télévision et Patti Smith jouent là bas. Rapidement de nouveaux
groupes se joignent à eux : les Ramones, Jonathan Richman, Blondie et
autres groupes de ce style. Ils jouent du rock avec de la poésie, sans
fioriture, sans ce rythme progressif qui mine la musique de l’époque. La scène
du CGBG vient de naître et elle va tout renverser.
Rapidement des critiques
musicaux s’intéressent à ces groupes, on décide de lui trouver un nom, le rock
critique Lester Bangs les surnomme les Punks, un hommage aux groupes de garage
band sixties. Un soir Richard Hell monte sur scène avec des épingles à nourrice
pour fermer la braguette de son pantalon. Dans la salle Malcom Mac Laren voit
ça et il décide de ramener Hell avec lui en Angleterre pour lancer un
mouvement. Il décide de rester mais Mac Laren reviendra en Angleterre avec
l’idée des épingles à nourrice et de monter un groupe : on connait la
suite !
Au CGBG, les groupes se coupent
les cheveux et jouent une musique dynamique ! Les maisons de disques
tournent autour d’eux, rapidement Télévision et Patti Smith signent mais rien
ne sort de chez Verlaine and Co. Les relations avec Richard Hell se dégradent,
il est finalement renvoyé. Verlaine embauche à la basse Fred Smith, un vrai
technicien venu des Modern Lovers de Jonathan Richman. La formation est au
point. Verlaine signe un contrat et enregistre ''Marque Moon'', un
chef d’œuvre absolu. Un parfait condensé de talent et de technique. Au même
moment Patti Smith explose et devient une star.
''Marque Moon'' sort en
1978 et là c’est l’explosion, un peu partout aux USA et en Europe. Des dizaines
de gamins se mettent à jouer comme eux à essayer d’imiter le son inimitable de
Verlaine : ils s’appellent Robert Smith, U2 ou autre Simple Minds.
Télévision se lance dans une
tournée Européenne, à Paris c’est un Olympia qui accueille les nouveaux héros
avec en première partie de Téléphone encore poupins ! A Londres ils sont
accueillis comme les précurseurs d’un mouvement qui fracasse tout sur son
passage : le Punk ! Quel disque ce ''Marquee Moon'' d’où est
tiré ce ''Friction'', juste un chef d’œuvre ! Des guitares
tendues, de longs solos et des morceaux courts.
La suite c’est un deuxième album
enregistré à la va vite « Adventure ». Mais le groupe va mal, Richard
Lloyd l’incroyable guitariste sombre dans l’héroïne. Verlaine dissout son groupe
et se lance dans une carrière solo faite de haut (parfois) et de bas (trop
souvent). Il fuit les USA et habite en Europe, se lance dans la production et
devient musicien de séance (on lui doit notamment les Ecossais de Del Amitri et
surtout le deuxième Jeff Buckley, inachevé). On le reconnait comme un grand, un
précurseur !
Surprise fin 1992 Verlaine
annonce la réformation de Télévision. Plusieurs disques vont sortir sans
vraiment créer l’événement, ni des frissons : Verlaine rejoue la messe
sans grande envie, il colle au groupe un son très commercial. A Paris c’est
une Cigale bourrée à craquer qui fêtera le retour de ces précurseurs.
Aujourd’hui Verlaine soigne son
statut de grand héros, loser et reforme son groupe régulièrement tout en
jouant avec Patti Smith, elle aussi de retour sur le devant de la scène. Juste
un des musiciens les plus créatifs et des plus brillants de sa génération qui
mériterait enfin une vraie reconnaissance.
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