vendredi 7 mars 2014

TELEVISION: FRICTION

Attention génie ! C’est comme ça que l’on pourrait présenter la fantastique ''Friction'' des géniaux Télévision, un des groupes les plus sous estimés de l’histoire et pourtant aujourd’hui beaucoup des choses que l’on écoute ou que l’on a écouté leur doit beaucoup.

Tout commence au début des années 70 quand le jeune Tom Miller natif du New Jersey arrive à New York. Il précède de quelques semaines son copain d’enfance un certain Richard Meyers. Ensemble au lycée ils lisaient de la poésie « beat » et rêvaient de s’enfuir de leur village natal pour vivre la grande vie ! Ils avaient même tenté une fugue mais cela s’était terminé par un retour à la maison entre deux policiers. Mais arrivés à New York ils peuvent enfin assouvir leur passion littéraire. Comme il faut bien survivre, Tom Miller trouve un emploi dans une librairie, l’autre vendeuse s’appelle Patti Smith et autour d’elle, New York va vivre des mois électriques.

Ah Patti ! Tout le monde l’adorait, elle croyait au rock and roll comme forme de communication des masses et avait déjà formé un premier duo avec le guitariste Lenny Kay avec lequel elle se produisait dans les clubs et bars de New York pour déclamer sa poésie.

Elle prend en main le jeune Tom, lui fait découvrir Rimbaud et surtout Nerval. Elle lui démontre l’importance de la musique. Tom et Richard décident de monter un groupe et de changer de nom : Tom Miller sera Tom Verlaine, Richard Meyers sera Richard Hell, à cause d’ « Une saison en enfer ». Avec un de leurs anciens condisciples à la batterie, Billy Ficca, ils lancent un groupe : The Neon Boys ! Verlaine au chant et à la guitare et Hell à la basse. Les premières répétitions sont chaotiques, Hell ne sait pas jouer, pour Verlaine c’est l’exact opposé : il joue de la guitare depuis ses sept ans, c’est un virtuose ! Rapidement ils enregistrent quelques titres mais ils manquent quelque chose à leur formation. Un deuxième guitariste de génie vient faire son apparition : Richard Lloyd !

Ils décident de changer le nom de leur groupe et de modifier leur musique :  ce sera Télévision, un pied de nez à la société de consommation américaine. Verlaine emmène son groupe sur des chemins vertigineux, lui-même est un fan de jazz et son talent de guitariste est exceptionnel, sa musique est tendue, pleine de subtilité et de profondeur ! Mais le talent n’est pas partagé dans le groupe, et Richard Hell cache son manque de technique par une vraie énergie. Mais les concerts sont rares et ils doivent trouver un endroit bien à eux.

Leur recherche les amène à un bar de Bikers à la limite du quartier Portoricain : le CGBG ! Tous les vendredis soirs Télévision et Patti Smith jouent là bas. Rapidement de nouveaux groupes se joignent à eux : les Ramones, Jonathan Richman, Blondie et autres groupes de ce style. Ils jouent du rock avec de la poésie, sans fioriture, sans ce rythme progressif qui mine la musique de l’époque. La scène du CGBG vient de naître et elle va tout renverser.

Rapidement des critiques musicaux s’intéressent à ces groupes, on décide de lui trouver un nom, le rock critique Lester Bangs les surnomme les Punks, un hommage aux groupes de garage band sixties. Un soir Richard Hell monte sur scène avec des épingles à nourrice pour fermer la braguette de son pantalon. Dans la salle Malcom Mac Laren voit ça et il décide de ramener Hell avec lui en Angleterre pour lancer un mouvement. Il décide de rester mais Mac Laren reviendra en Angleterre avec l’idée des épingles à nourrice et de monter un groupe : on connait la suite ! 

Au CGBG, les groupes se coupent les cheveux et jouent une musique dynamique ! Les maisons de disques tournent autour d’eux, rapidement Télévision et Patti Smith signent mais rien ne sort de chez Verlaine and Co. Les relations avec Richard Hell se dégradent, il est finalement renvoyé. Verlaine embauche à la basse Fred Smith, un vrai technicien venu des Modern Lovers de Jonathan Richman. La formation est au point. Verlaine signe un contrat et enregistre ''Marque Moon'', un chef d’œuvre absolu. Un parfait condensé de talent et de technique. Au même moment Patti Smith explose et devient une star.

''Marque Moon'' sort en 1978 et là c’est l’explosion, un peu partout aux USA et en Europe. Des dizaines de gamins se mettent à jouer comme eux à essayer d’imiter le son inimitable de Verlaine : ils s’appellent Robert Smith, U2 ou autre Simple Minds.

Télévision se lance dans une tournée Européenne, à Paris c’est un Olympia qui accueille les nouveaux héros avec en première partie de Téléphone encore poupins ! A Londres ils sont accueillis comme les précurseurs d’un mouvement qui fracasse tout sur son passage : le Punk ! Quel disque ce ''Marquee Moon'' d’où est tiré ce ''Friction'', juste un chef d’œuvre ! Des guitares tendues, de longs solos et des morceaux courts.

La suite c’est un deuxième album enregistré à la va vite « Adventure ». Mais le groupe va mal, Richard Lloyd l’incroyable guitariste sombre dans l’héroïne. Verlaine dissout son groupe et se lance dans une carrière solo faite de haut (parfois) et de bas (trop souvent). Il fuit les USA et habite en Europe, se lance dans la production et devient musicien de séance (on lui doit notamment les Ecossais de Del Amitri et surtout le deuxième Jeff Buckley, inachevé). On le reconnait comme un grand, un précurseur !


Surprise fin 1992 Verlaine annonce la réformation de Télévision. Plusieurs disques vont sortir sans vraiment créer l’événement, ni des frissons : Verlaine rejoue la messe sans grande envie, il colle au groupe un son très commercial. A Paris c’est une Cigale bourrée à craquer qui fêtera le retour de ces précurseurs.



Aujourd’hui Verlaine soigne son statut de grand héros, loser et reforme son groupe régulièrement tout en jouant avec Patti Smith, elle aussi de retour sur le devant de la scène. Juste un des musiciens les plus créatifs et des plus brillants de sa génération qui mériterait enfin une vraie reconnaissance. 






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